dimanche 17 mai 2015

A0466 Enseigner l'informatique à l'école pendant 15 ans ou pendant 48 heures de Hackathon ?

Ainsi donc, l'enseignement de l'informatique commencera au CE2.

Jusqu'au bac, ça fera juste 10 ans d'informatique. Et 15 ans par exemple pour les ingénieurs informaticiens.

Donc: imaginez un cours d'informatique qui dure 15 ans.

Je suis sûr qu'il y a en ce moment des gens bien intentionnés qui se disent:

"Bon sang mais c'est bien sûr, il faut enseigner les big data dès le CE2"

On sent bien que ça n'a pas grand  sens. Mais alors on enseigne quoi, année après année, pendant 15 ans (quinze ans).

Une piste: se caler sur les mathématiques, qui ont déjà traité le problème. On commence à apprendre à compter en petite section de maternelle, on fait les polynomes, les équations, les fonctions trigonométriques bien plus tard, et tout le monde trouve ça très naturel.

Nous avons un mal fou à imaginer la même chose en informatique.  Nous avons envie  d'enseigner la programmation objet ou la programmation logique à l'école primaire. (Si, si, je l'ai fait ...)

 Une autre piste: enseigner l'informatique selon une perspective historique et chronologique. On commence par la mécanographie: faire des comptages, des totaux, des tris, avec des cartes perforées. Ensuite, on commence à programmer, avec des câbles et des interrupteurs, comme dans les années cinquante, ensuite l'assembleur, ensuite FORTRAN, ensuite on attaque les années soixante ...

En histoire, on commence bien par l'Antiquité en 6 ème.

Ne souriez pas.

Sinon, on commence par enseigner HTML5 en CE2. Et en CM1 on fait quoi ?
Sinon, on commence le manuel ISN de terminale en CE2 ? Et on fait une option hacking en 6 ème (en parallèle avec les Lumières ?).

Dites-vous qu'aujourd'hui on n'enseigne presque plus la compilation, ni l'écriture de systèmes d'exploitation. En quinze ans, ou bien on l'enseignera à nouveau -quand- ou bien on fait quoi ?

Une autre considération, une autre approche:

Quand on enseigne l'addition et la soustraction en CP, ça sert  tout de suite aux enfants dans la vie courante. Compter ses sous, ses amis, ses images, les partager, les mettre en commun

Quelle informatique enseignée en CE2 serait tout de suite utile aux enfants de 9 ans ? Compter ses amis sur Facebook, organiser  la logistique d'un gouter en fonction de tout un tas de paramètres ? On parle bien ici de programmer, et non d'utiliser une application qui ferait le boulot. On voit bien ici qu'enseigner l'informatique suppose de  changer l'informatique, d'inventer une informatique enseignable.

Enseigner l'informatique dès le CE2 suppose de changer l'informatique.

Pourquoi pas. Sinon quoi ?

Sinon, on fait comme aujourd'hui: on enseigne le développement d'applications mobiles au dernier semestre des études supérieures, et les jeunes diplômés sont embauchés juste à cause de ça, parce qu'ils connaissent les dernières librairies ou frameworks à la mode de l'année; embauchés parce que les embauchés de l'année précédente sont déjà en retard sur l'actualité, ils sont devenus chefs de projet et gèrent les relations contractuelles avec leurs clients ou la maintenance de leur déjà vieux  code.

 Ce scénario actuel, -qui est conforté par l'injonction à l'innovation permanente, à la pédagogie par projets, aux hackathons où l'on apprend en 48h tout ce qui est nécessaire pour plaire-  ce scénario actuel est aux antipodes de la décision d'enseigner l'informatique à tous pendant 10 ans et aux informaticiens pendant 15 ans.

Alors, on fait quoi ?


2 commentaires:

nojhan a dit…

Je n'ai pas de mal à imaginer 15 ans d'informatique à l'école pour trois raisons : 1) les heures de cours sont rares, 2) les élèves apprennent lentement, 3) il y a d'autres bases à acquérir en informatique que la programmation (rien que CAO, par exemple, comprends beaucoup de concepts intéressants).

En ce qui concerne ce qui serait tout de suite utile à des enfants de 9 ans, je n'ai pas non plus de mal à l'imaginer, ayant matière à réflexion sous mes yeux tous les jours. Rien qu'avec Minecraft il est possible d'apprendre des fonctions logiques pour automatiser le jeu. Et ça marche très bien. Ils aiment également créer des jeux vidéos (Scratch et Cie.) ou encore faire du dessin procédural.

Bref, tout cela me parait loin d'être difficile à imaginer. Peut-être que la vraie question n'est pas de changer l'informatique pour les enfants, mais de la changer pour que les enseignants se l'approprie mieux…

Jean Rohmer a dit…

Oui, voilà également des pistes possibles. Et qui ont le mérite d'ouvrir l'imagination. Et effectivement ça déporte le problème vers les enseignants. Quand à savoir s'il faudra établir un programme unique national avec ça ...