mardi 22 décembre 2009

A0057 Architecte de Systèmes: la leçon phénicienne

L'autre soir, Thalassa nous montrait un architecte naval de l'ile syrienne d'Arwad
Le type nous expliquait que, comme tous ses confrères, il construisait seul des bateaux de 15 à 20 mètres de long, et vite!
On imagine sa cabane de chantier, remplie de  machines et d'écrans qui font tourner Autocad, Computervision ou autres Catia.
Sauf qu'il nous dit:" je vais vite car je n'ai pas de plans: comme ça je ne perds  pas de temps à les regarder. Nous faisons comme ça dans le coin depuis plus de 3000 ans".
Suffisamment décoiffant pour inciter à remonter aux sources!

TeKton, en grec, langue apparue un peu après le phénicien, veut dire travailler le bois, construire des choses en bois  (ça veut dire aussi par glissement du sens,  manigancer, comploter: nobody is perfect)
ArKe, en grec, ça veut dire le premier, celui qui marche en tête, celui qui commande, qui conduit (ça veut dire aussi: le vieux ...)
ArKiteKton, en grec, par combinaison, ça veut dire celui qui maîtrise l'art du menuisier, du charpentier, et qui est capable de commander.
Et ça désigne d'ailleurs de manière privilégiée les architectes navals, manipulateurs de bois par excellence.

Ils avaient bien de la chance, les architectes grecs!
Ils ont bien de la chance, les architectes navals de Arwad!

Plus précisément, à qui feriez-vous le plus confiance pour architecturer votre système d'information?
Au charpentier d'Arwad, ou à un blanc-bec derrière ses écrans de spécifications UML, de simulations BPML, et de design patterns MDE,MDA,SOA ?

Question incorrecte aux yeux des manipulateurs de -langue de- bois? Mais qui invite à nous poser d'autres questions:

Tous ces préliminaires d'abstraction, modélisation, simulation, si d'un côté ils peuvent aider à réfléchir -activité qui se fait rare de nos jours, voir billet A0018- d'un autre côté ne tendent-ils pas à retarder le moment fatal, celui  où il va bien falloir que le système traite de vraies données avec de vrais utilisateurs ?

Napoléon disait:
"A la guerre comme en amour, à la fin, il faut se voir de près"

N'aurait-on pas intérêt à passer moins de temps à contempler en réunion nos schémas sous PowerPoint?

Les spectaculaires retards de certains grands programmes industriels dûs à l'informatique (réseau local du TGV Atlantique en son temps, câbles de l'Airbus A380, contrôle des moteurs de l'A400M) n'ont-ils pas pour partie leur origine dans l'écran  que les ordinateurs dressent entre le virtuel et le réel?

Quelle est la part de l'informatisation quand de très gros projets comme les porte-avions anglais s'éternisent sur des dizaines d'années, alors qu'américains et japonais avaient mis bien moins de temps à concevoir et construire sans ordinateur ceux qui s'affrontèrent dans la bataille de Midway?
Contribution de l'informatique au désarmement, diront certains.

N'y-a-t-il pas une autre manière d'utiliser l'ordinateur,  pour remettre l'homme au travail au pied du mur, plutôt que dresser un mur entre lui et la réalité?
En quelque sorte, utiliser l'ordinateur comme Amplificateur d'Intelligence" de celui qui est au pied du mur.

Et pensons encore une fois aux propos de notre phénicien:

"je vais vite car je n'ai pas de plans: comme ça je ne perds pas de temps à les regarder"

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