mercredi 29 décembre 2010

A0141 Litteratus Calculus: Leçon Numéro 4

Après avoir énoncé les principes du calcul littéraire dans la leçon numéro 3,  posons-nous la question: s'exprimer en  inférons, est-ce bien raisonnable ? Cette forme de langage est-elle aussi naturelle qu'elle le prétend ?

Voici quelques considérations qui répondent positivement à la question. On évoquera peut-être un jour des opinions opposées.

La littérature en fragments est une tradition ancienne. Sans remonter à l'Antiquité, Pascal, Spinoza, Wittgenstein et Roland Barthes s'y sont adonnés.

La logique mathématique est bien sûr basée sur des énoncés qui ont tout des inférons; on les appelle des clauses. Le langage de programmation Prolog est entièrement fait de clauses.

Notons que le premier sens en Français de "clause", au moyen-âge,  était le "vers d'un poème".

Évoquons aussi à cette époque la discipline de concision de Rachi, le vigneron champenois,  dans ses commentaires de la loi juive: "une goutte d'encre vaut de l'or"

On pourra être moins fier des 140 caractères de Twitter, mais ils illustrent bien la tendance contemporaine à la concision.

Regardez, écoutez les magazines à la télévision de nos jours: ils sont découpés en séquences d'au maximum 5 -cinq-  secondes; de purs inférons,  chacun prononcé par un interlocuteur différent.

Si d'un côté  les phrases raccourcissent, de l'autre les URL allongent jusqu'à devenir des  inférons: l'énoncé est l'URL; c'est vrai en particulier pour les fils d'actualité, voir l'exemple de l'instant:

http://actu.orange.fr/people/michel-polnareff-est-papa-pour-la-premiere-fois_84568.html

Ainsi, l'inféron est devenu le point omega de l'expression médiatique.

S'agit-il là d'un déplorable appauvrissement de la langue ? Ça se discute.

Socrate disait déjà à ses interlocuteurs:  faites des phrases courtes ("serrées"), car j'ai une mauvaise mémoire.

Quand à moi, j'ai brusquement décidé de prendre mes notes en inférons en Octobre 2003. J'assistais à une conférence en Anglais, sur un sujet que je connaissais mal, j'essayais de  noter en direct ce que j'entendais en Idéliance, sur mon ordinateur, et je n'arrivais pas à suivre. Je suis passé alors en .txt.

Maintenant, j'en suis à plus de 50 000 inférons.  Voilà une motivation quotidienne à écrire le programme qui les exploite. 

Je rédige en inférons mes compte-rendus de conférence , et l'on me dit en général que c'est plus facile à lire qu'une "prose" classique de retour de congrès.

S'exprimer en inférons est un effort littéraire qui porte ses propres fruits. Cela n'appauvrit pas le langage. Au contraire, la concision exige un choix rigoureux et imaginatif du mot juste.

Plus les phrases sont resserrées, plus le vocabulaire est étendu.

Cette discipline quotidienne conduit naturellement au jaillissement spontané  d' aphorismes.

Un aphorisme, c'est le moins que l'on puisse dire.

Les aphorismes sont à la littérature ce que la musculation est à la danse.

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