vendredi 12 novembre 2010

A0128 C'est trop compliqué!

Dans la même journée, entendu les deux réactions d'étudiants suivantes:

-- c'est trop compliqué à comprendre!

-- c'est trop compliqué à faire!

Beau défi pédagogique.

Auquel il ne faut surtout pas répondre par: "mais non, ce n'est pas trop compliqué, c'est très simple, regardez".
Surtout si vous arrivez vraiment à simplifier.
Car alors à la prochaine occasion, vous aurez encore la même réaction: "Monsieur, c'est trop compliqué, veuillez simplifier"

Ce qu'il faut enseigner c'est: quand c'est compliqué, c'est une chance, une occasion de vraiment comprendre, de vraiment faire.

La citation suivante (de Kierkegaard pour certains, de Montaigne ou Simone Weil pour d'autres -c'est compliqué):

le chemin n'est pas difficile, mais "difficile" "est" le chemin

dit exactement ça:  c'est la difficulté qui ouvre le voie, qui fait avancer.

Le défi pédagogique est de faire passer de:

"c'est compliqué donc j'arrête" à "c'est compliqué donc je continue"

De nos jours, relever ce défi est assez ... compliqué. Chic alors!

En effet, face à l'obstacle  "c'est compliqué à comprendre", la voie de contournement est "j'applique une méthode". (sous-entendu sans réfléchir)

Et face à l'obstacle "c'est compliqué à faire", la voie de contournement est "je réutilise" (sous entendu quelque chose de déjà fait)

Et les étudiants ont un talent particulier pour se précipiter vers ces voies rapides.

Mais comment le  leur reprocher puisque "appliquer des méthodes" et "réutiliser l'existant" sont des slogans, voire des religions professés sans relâche dans les entreprises ?

L'étymologie nous apporte des solutions:

"Ecole" vient du grec "skole"  qui veut dire "prendre son temps"

Compliqué vient du grec "pleko" qui veut dire "tresser  de l'osier"

Et un un panier d'osier est quelque chose qui "se tient" parce qu'il est compliqué, parce qu'il est fait avec des "plis".

Ce qui est "simple", c'est ce qui est "sans plis", et ce qui est sans plis  ne tient pas debout.

Les étudiants doivent être placés dans des conditions où ils peuvent prendre leur temps pour faire des plis, et en particulier se faire des plis au cerveau.

Et pour bien nous mettre ça dans la tête, "se faire des plis au cerveau" ça se dit "réfléchir" via "flexo" qui est une déformation  de "plexo" qui vient de "pleko".

Quand c'est compliqué, il faut réfléchir.

Nota Bene: pour ne pas compliquer les choses, on n'a pas expliqué ici  la distinction ici entre compliqué et complexe, mais elle est évidemment implicite.

1 commentaire:

cesteyries a dit…

Bienvenue dans le monde meeeeerveilleux de l'enseignement supérieur. Les chères têtes blondes, à part quelques exceptions, sont toutes faites du même bois et pas celui dont on tresse les paniers !
En ce moment, nous tentons avec Jean-Maurice de faire utiliser Idéliance à des élèves de Master de l'INT. Bon, c'est pas gagné. La fabrication de texte non structuré pendant 5000 ans laisse quand même des traces...
Quand j'avais des notions cmpliquées à faire passer aux élèves, en particulier en rhéologie :
1) je laissais tomber les équations et je revenais à l'explication qualitative des phénomènes
2) j'explicitais la génèse du concept (quel problème avait donner lieu à la naissance du concept, dans quelles conditions, etc...).
Mais je ne sais pas si cette technique peut s'appliquer dans votre cas.